« Aux oubliées et oubliés ! » : une baguette magique contre les LGBTQIA+phobies et l’oubli

Entretien

Mise à jour le 03/12/2025

L'œuvre « Aux oubliées et oubliés ! » de l’artiste Jean-Luc Verna représentant une monumentale baguette magique noire
Le 17 mai 2025, à l’occasion de la Journée internationale de lutte contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie, un monument inédit a été inauguré dans le jardin du Port de l’Arsenal. Intitulée « Aux oubliées et oubliés ! », cette œuvre monumentale de l’artiste Jean-Luc Verna rend hommage aux victimes homosexuelles de la déportation et, plus largement, à toutes les personnes LGBTQIA+ persécutées à travers l’histoire.
« Aux oubliées et oubliés ! » est un projet d’envergure est porté par l’association Les « Oublié·e·s » de la Mémoire, en lien avec un groupe de travail interassociatif LGBT rassemblant de nombreuses structures engagées dans la mémoire et la lutte contre les discriminations. Au bord du bassin de l’Arsenal, « Aux oubliées et oubliés ! » se dresse aujourd’hui comme un symbole de mémoire, de fierté et de vigilance. Un lieu pour se souvenir, se recueillir, mais aussi célébrer la vie, la diversité et la liberté d’être soi.
Matthieu CHAIMBAUT, du bureau national du Mémorial de la Déportation Homosexuelle (MDH), Francis COFFINET, responsable commission études et militances de l'association DJArc-en-ciel et Alix LE GRILL, du bureau national de l'association DJArc-en-ciel nous présente la démarche de ce projet.

Paris rejoint d’autres capitales européennes qui ont souhaité rendre hommage aux personnes LGBTQIA+ victimes de la déportation. Les associations militantes comme Les "Les "Oublié.e.s" de la mémoire ou le Mémorial de la Déportation Homosexuelle (MDH) ont joué un rôle important dans la création de ce mémorial. Pouvez-vous nous raconter sa genèse ?
Le projet de "Mémorial pour les victimes LGBTQIA+" remonte à plus de 12 ans,en2013, porté initialement par l'association mémorielle "Les "Oublié.e.s" de la Mémoire. Il est né dans un contexte particulier, d'une part l'aboutissement depuis 2010 d'une revendication importante des associations mémorielles, la pose d'une plaque en mémoire des déportés pour motif d'homosexualité au camp de concentration de Natzweiler-Struthof. Cette reconnaissance par l'état français, par le monde mémoriel était un jalon important mais dans un lieu qui n'est pas un lieu "public" très connu de la société. D'autre part, une vague d'homophobie violente issue des débats clivants lors du vote du Mariage pour tous par le gouvernement socialisteen2013, qui soulignait le besoin de montrer qu'il existe encore des victimes aujourd'hui.
Les "Oublié.e.s" de la Mémoire ont dès le départ voulu mettre en place une démarche interassociative,encontactant Le MDH à laquelle j'appartiens, ainsi que d'autres associations comme le Centre LGBTQIA+ Paris IdF, l'Inter-LGBT qui organise la Marche des fiertés parisienne, des associations confessionnelles comme DJArc-En-Ciel et Le Beit Haverim, mais aussi les Archives lesbiennes, Bi'cause, l'association trans ANT et Flag!. Des associations se sont rajoutées comme SOS Homophobie ou Le Patchwork des Noms. Un groupe de Travail a été constitué qui a porté ce projet avec ténacité pendant plus de dix ans.

Les Oublié·e·s de la mémoire et le RAVAD sont des associations têtes de réseaux qui regroupent de nombreuses associations et militants LGBTQIA+ ? Comment tous ces acteurs ont-ils travaillé ensemble pour faire aboutir ce projet ?
Une des première actions du Groupe de Travail fut de sortir de leurs silos : silo des associations d'abord, en contactant les personnes LGBTQIA+ au-delà des associations, avec la mise en place qu'un questionnaire. Il en est sorti la volonté de ne pas faire un monument uniquement consacré aux victimes déportées durant la Seconde Guerre mondiale, mais aussi en témoignage des victimes des LGBTphobies d'aujourd'hui. silo du monde parisien ensuite, en voyageant en régions pour présenter le projet. Cela a généré des idées de Monuments dans d'autres villes de France, à Marseille ou à Rouen. silo des millitant·es enfin, en questionnant des spécialistes : historien·es, anciens militant·es, artistes. De ce fait est apparu l'importance d'avoir un Monument solide, durable et inscrit dans le cœur de la ville.
Toutes ces informations furent compilées dans un dossier de presse et ensuite Les "Oublié.e.s" de la Mémoire ont contacté les forces publiques. Il y eut très tôt l'engagement de la Maire de Paris, Anne Hidalgo, dès 2014 lors de la pose de la plaque en mémoire aux derniers "buchers de Sodome" de Bruno Lenoir et Jean Diot. L'engagement de Jean-Luc Roméro-Michel, adjoint à la Maire de Paris en charge des droits humains, de l'intégration et de la lutte contre les discriminations, qui a repris cette demande dans un rapport de 2017 pour la Ville de Paris. L'engagement de l'Etat avec le soutien du gouvernement dans le 1er "plan de mobilisation contre la haine et les discriminations anti-LGBT"en2016 puis dans le 2nd planen2020.Enfin, avec l'évocation de la nécessité du Monument par le Président de la République François Hollandeen2017. Un soutien financier de la DILCRAH est venuen2020, mais le dossier a vraiment abouti quand la Ville de Paris s'est engagée dans le projet, avec le soutien de Mme Laurence Patrice, adjointe à la Maire de Paris, chargée de la Mémoire et du Monde combattant. Il a pu aboutir ce 17 mai 2025, journée mondiale de la lutte contre les LGBTphobies.

Avec ce mémorial, la ville de Paris inscrit en ses murs et sa mémoire la défense des droits des personnes LGBTQIA+. Pouvez-vous nous expliquer comment vous compter mener ce travail mémoriel pour que cette page de notre Histoire alimente les luttes présentes et à venir en ce domaine ?
Le Groupe de Travail interassociatif est bien sûr maintenu ! Il souhaite désormais faire vivre ce Monument en s'appuyant sur la Ville de Paris et sur le monde associatif. Ce Monument est multifacettes, il sera soutenu par les associations lesbiennes, gaies, bis ou trans ou toutes les autres composantes de nos communautés lors de leurs rassemblements ou Journées commémoratives comme la Journée du Souvenir Trans le 20 novembre. Il fait maintenant partie du Monde mémoriel français, et pourra être le lieu de cérémonies de la Ville de Paris tous les 17 mai. Il fait partie des atouts touristiques et pédagogies de la Ville de Paris et pourra être intégré dans les documents et parcours adéquats. Enfin il fait partie d'une série d'autres monuments semblables dans le Monde, que ce soit en Europe (Pays-Bas, Allemagne, Espagne etc.) ou dans d'autres villes de France (un projet va aboutir dans quelques semaines à Rouen). Nous communiquerons sur ces événements également.