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"La société est dominée et conçue par et pour les personnes valides"

Mise à jour le 03/12/2020
Visuel pour la journée internationale des personnes handicapées, représentant Margaret Kopoka et Elisa Rojas, à côté d'une citation : "Les femmes handicapées n’ont pas à « surmonter » la double discrimination qu’elles vivent puisque la discrimination est un comportement qui vient de l’extérieur."
Élisa Rojas, habitante du 12e arrondissement, est avocate et engagée depuis des années pour faire valoir les droits des personnes en situation de handicap. À l’occasion de la journée internationale qui leur est consacrée, le 3 décembre, Margaret Kopoka, élue du 12e en charge de la santé, de l’inclusion des personnes en situation de handicap et de l’accessibilité, a souhaité lui donner la parole pour mettre en lumière les nombreux combats qu'il reste à adresser sur la question, et notamment vis-à-vis des femmes concernées.
Margaret Kopoka : Élisa, avec ton blog Aux marches du palais, tu dénonces les problèmes d’accessibilité auxquels tu es régulièrement confrontée dans ta vie quotidienne et dans ta pratique professionnelle notamment. Trop souvent, l’accessibilité se réduit à une mise en conformité réglementaire et ne permet pas aux personnes handicapées de bénéficier pleinement des différents services ou équipements. Au niveau du 12e arrondissement, nous voulons faire de cette accessibilité réelle une priorité. Quels sont pour toi les principaux obstacles pour atteindre ces objectifs ?
Elisa Rojas : La question est vaste et je n’ai pas toutes les solutions. Si, déjà, les textes existants étaient respectés, cela constituerait une avancée majeure. La mise en conformité législative et réglementaire dont tu parles n’est toujours pas une réalité en France. De nombreux équipements, dont des équipements publics de première importance comme les établissements scolaires, pour ne prendre que cet exemple, ne sont toujours pas accessibles.

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M.K. : Je dénonçais récemment, à l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, les violences physiques et psychologiques que les femmes en situation de handicap subissent au cours de leur vie. Dans le roman que tu viens d’écrire, tu mets en lumière les discriminations qui impactent la vie intime de la protagoniste en raison de son handicap. Comment les femmes en situation de handicap peuvent surmonter cette double discrimination ?
E.R. : Les femmes handicapées sont en effet non seulement concernées par les violences, mais elles sont mêmes les premières concernées, bien qu’elles ne soient jamais prises en considération dans les politiques publiques qui concernent les violences faites aux femmes, ni par les principaux mouvements féministes. Je trouvais important de parler dans mon roman de ces violences, sous toutes leurs formes, puisqu’elles font partie de la vie des femmes handicapées. Les passer sous silence n’aurait pas été honnête et j’espère par ailleurs que cela aidera d’autres femmes handicapées à comprendre ce qu’elles peuvent vivre, à en parler et à les dénoncer aussi.
Les femmes handicapées n’ont pas à « surmonter » la double discrimination qu’elles vivent puisque la discrimination est un comportement qui vient de l’extérieur, qu’elles subissent, sur lequel elles n’ont pas de prise et dont elles ne sont pas responsables. La discrimination peut et doit, en revanche, être combattue par les politiques publiques et par des actions juridiques lorsque cela est possible.
M.K. : Par ton action militante, tu essaies de déconstruire les représentations dominantes du handicap et son traitement médiatique, qui contribuent à stigmatiser et marginaliser les personnes en situation de handicap. Quels sont pour toi les leviers dont nous disposons pour opérer ce changement de regard ?
Je n’aime pas l’expression « changement de regard » qui dépolitise à mon sens la question du handicap et réduit tout à un problème de comportement individuel alors qu’il s’agit d’un problème systémique. La société est dominée et conçue par et pour les personnes valides et relèguent les personnes handicapées dans tous les domaines. C’est cette organisation sociale et structurelle qu’il faut interroger, analyser et faire disparaître pour espérer voir les personnes handicapées mener leur vie de façon autonome, à égalité avec les autres.
Qui est Elisa Rojas ?
Élisa Rojas est avocate au Barreau de paris, maître de conférence associée à l’INS-HEA, militante et cofondatrice du CLHEE (Collectif Lutte et Handicaps pour l’égalité et l’émancipation). Elle tient un blog ou il est question de handicap, accessibilité, droits et émancipation des personnes handicapées. Elle a récemment publié son premier livre, Mister T. et moi, qui prend la forme d’une romance politisée pour dénoncer, non sans humour, les discriminations subies par les femmes en situation de handicap.

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