Place Henri Frenay | Nadège Meden, artiste lyrique : "L'opéra est présent dans le vie des gens. Nous voulons qu'il soit présent dans leur ville"

Entretien

Mise à jour le 02/12/2025

Une chanteuse et une violoncelliste proposent une représentation à des passants et habitants installés sous une ombrière sur la voie publique
Nadège Meden est artiste lyrique et fondatrice de La Lune dans les Yeux, une association qui crée des projets pluridisciplinaires mêlant l’opéra à d’autres formes d’expressions artistiques. Avec plusieurs artistes, danseurs ou musiciens, Nadège Meden a donné quatre représentations l’été dernier place Henri Frenay, dans le cadre de la programmation culturelle et sportive destinée à animer la place, en complément d’actions d’urbanisme transitoires. Pour Notre 12, Nadège Meden revient sur ces représentations et sur la place de la culture et plus précisément de l’opéra dans le quotidien des citoyens.

Bonjour Nadège, pouvez vous vous présenter pour les habitant·es du 12e qui ne vous connaitrait pas encore ?

Je suis Nadège Meden, je suis artiste lyrique, je chante de l’opéra, dans des endroits conventionnels comme des opéras, des théâtres ou des salles de concert, mais aussi dans des espaces plus inattendus, comme dans la rue ou des écoles. C’est une partie supplémentaire de mon métier, davantage tournée vers la médiation et la transmission que j’ai plaisir à accomplir avec l’association La Lune dans les Yeux qui existe depuis trois ans et qui rassemble des chanteurs, des instrumentistes classiques, comme des pianistes ou des violoncellistes, mais aussi associés à la musique classique, comme des accordéonistes. Nous travaillons aussi avec des comédiens, des danseurs, des artistes de cirques. Les formations et les répertoires sont variés et s’adaptent en fonction des projets et des lieux que nous investissons. Notre cœur de métier reste l’opéra, mais nous avons plaisir à nous ouvrir aux univers des gens avec qui nous travaillons et devant lesquels nous nous produisons. C’est la meilleure manière de générer des interactions avec le public.

L’interaction, n’est-ce pas justement la particularité des représentations dans l’espace public, par rapport à celles que vous donnez dans les lieux conventionnels ?

Pour nous, ce type de représentation se rapproche le plus de ce que doit être la culture qui doit créer du lien social. A l’opéra, par exemple, l’artiste donne, souvent beaucoup, avec intensité, et le public reçoit. C’est bien, mais le lien est incomplet puisqu’il ne se fait que dans un sens. Ce que nous préférons à La Lune dans les Yeux, c’est créer du lien social avec les gens, à communiquer à travers la culture et la musique. Nous voulons qu’ils s’intéressent, qu’ils nous interrogent, qu’ils chantent, qu’ils dansent.

L’opéra n’est pas forcément le premier style musical auquel on pense quant on parle de créer du lien social dans l’espace public grâce à la musique

En réalité, la musique lyrique est très présente dans notre patrimoine et dans la culture populaire. Tout le monde est capable de fredonner, voire chanter des airs, sans pour autant connaître leur nom ou leur compositeur. L’opéra est déjà au cœur de la vie des gens. Et si la plupart d’entre eux sont en premier lieu étonnés de le voir interprété en bas de chez eux, ils se sentent suffisamment à l’aise avec ces airs pour participer.

Les enfants semblent être le public qui interagit le plus facilement

C’est vrai. Les enfants se sentent libres d’aller et venir. De s’installer, se lever, chanter en même temps que nous pour essayer de reproduire ce que nous faisons. Ils osent presque tout, ne se sentent obligés de rien et c’est très bien comme ça.

Vous avez donné quatre représentations sur la place Henri Frenay, cet été avec des formations différentes et des propositions artistiques variées. Comment avez-vous construit cette programmation ?

L’idée était de proposer un concert interactif, en posant des questions aux gens sur les grands opéras, et les principaux compositeurs, en les faisant réagir à ce que nous proposions. Ce qui est intéressant, c’est de voir comment la retenue des gens vis-à-vis du chant, cette sorte d’inhibition, disparaît dès qu’ils sont plus de cinq ou six à être prêts à participer. Cet été, nous avons eu à plusieurs reprises des moments où nous avons chanté et joué avec une véritable chorale de passants. Nous cherchons à susciter des moments comme ceux-là, où les gens prennent le temps et se prennent au jeu de chanter, de dialoguer avec nous, et même de demander à entendre une œuvre en particulier.

La place Henri Frenay est une place très vivante, très passante. Avec de nombreux gens qui ne font que la traverser, d’autres qui ont du temps car ils attendent leur train ou leurs proches. Comment appréhendez vous ces différents publics ?

La place Henri Frenay est intéressante précisément grâce à ses publics très variés. Il y a des habitants qui peuvent nous entendre de leur balcon, des enfants du quartier qui sont des habitués de la place et de ses deux aires de jeu, que l’on a revus d’une représentation à l’autre et qui ont rapidement pris l’habitude de s’assoir avec nous, des passants plus ou moins pressés, des personnes sans-abri aussi, qui s’arrêtent pour partager un moment avec nous. Ce flux vivant de gens différents est très intéressant. On a vraiment l’impression d’être dans la gare tout en étant à l’extérieur. Encore un fois, en tant qu’artiste, c’est un exercice très complémentaire de ce que l’on peut faire dans des salles de spectacles. On est moins sur la technique, on cherche un contact, des échanges avec les gens qui passent et qui restent. C’est exigeant pour la voix, mais très gratifiant. Quand les gens s’installent à passent un moment avec nous et nous applaudissent, ou bien quand ils viennent nous remercier. C’est ça que nous essayons de susciter.

Vous avez d’autres projets de ce type en cours avec l’association La Lune dans les Yeux ?

Bien sûr, nous avons plusieurs projets de résidence artistique participative dans l’espace public, en pied d’immeubles avec des habitantes et des habitants, tous amateurs, que nous accompagnons dans des pratiques pluridisciplinaires mêlant le chant et la danse. Nous créons ensemble un spectacle que nous présentons ensuite à al fin de l’année. Nous avons notamment en projet en cours dans le 12e, avenue Lamoricière. Les habitantes et habitants du 12e auront donc l’occasion de nous revoir !